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Crédit photo : Flickr (Paul Arps)

Les Français étant les premiers consommateurs mondiaux d’huîtres à l’état frais, avec une consommation moyenne de 2kg/an/habitant, se lancer dans l’ostréiculture peut être une voix tentante ! Avec près de 2 654 entreprises, la France produit 130 000 tonnes d’huîtres par an en moyenne (cette production à néanmoins chuté ces dernières années, en raison d’une forte mortalité des huîtres, pour atteindre 80 000 tonnes par an), ce qui représente la quasi-totalité de la production Européenne de ce fruit de mer… Et place notre pays en 4ème producteur mondial, après la Chine, le Japon et la Corée. Cette production concentrée principalement dans 4 régions, à savoir la région Poitou-Charentes (en première position en terme de commercialisation, avec 39 000 tonnes d’huîtres en 2013), la Bretagne (en seconde position, avec 26 000 tonnes d’huîtres), la basse et la Haute-Normandie. Les Pays-De-La-Loire et les régions littorales du sud de la France (Aquitaine et bassin méditerranéen)  assurent le reste de la production nationale. Dans son ensemble, le secteur de l’ostréiculture représente, selon le comité national de la conchyliculture, un chiffre d’affaire de 630 millions d’euros. Il faut néanmoins préciser que ce secteur, bien que porteur, connait actuellement une crise due à une forte mortalité des huîtres, qui a aboutit à une chute de la production d’huîtres de 130 000 tonnes à 80 000 tonnes … Opportunité perçue par certains producteurs, puisque cette chute de la production s’est mécaniquement accompagnée d’une flambée des prix, mais globalement … Ce sont près de 30% des entreprises d’ostréicultures en Poitou-Charentes qui ont disparues en 10 ans.

Le salaire net moyen d’un exploitant en ostréiculture est estimé à 3 200 € selon le journal du net, mensuels, alors qu’un ouvrier ostréicole a généralement une rémunération égale au SMIC, avec néanmoins des possibilités importantes d’évolution. Vous rêvez de travailler au grand air, et vous êtes attiré par le milieu marin ? Voici nos 5 conseils pour vous lancer dans l’ostréiculture !

  • Renseignez-vous sur les formations nécessaires !

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Crédit photo : OuestFrance

Pour obtenir le droit d’exploiter une concession maritime, il est désormais obligatoire d’obtenir auparavant un diplôme, et il en sera de même si vous souhaitez vous faire embaucher. Si vous pouvez justifier d’une expérience professionnelle dans ce milieu, alors une formation continue est possible. Pour celles et ceux qui souhaitent se réorienter totalement, alors un retour sur les bancs de l’école sera indispensable.

1 – Formation initiale

Pour accéder à cette profession, la formation la plus simple est la suivante :

  • Vous devrez passer dans un premier temps un CAP Maritime de conchyliculture (aucun prérequis n’est nécessaire pour être admis au sein de cette formation, qui prépare au métier d’éleveur-producteur-expéditeur de coquillages en qualité d’employé ou d’employé qualifié)
  • Suite à l’obtention de ce CAP, vous pourrez passer un Bac professionnel « productions aquacole, spécialité cultures marines », qui se prépare en trois ans mais que vous pourrez intégrer en directement en seconde année si vous avez le CAP Maritime de Conchyliculture. Si vous pouvez justifier d’un niveau scolaire supérieur à une troisième générale, alors vous pourrez intégrer ce Bac Professionnel (en première année) sans qu’il vous soit nécessaire de passer le CAP Maritime de Conchyliculture
    • Ce bac professionnel vous conférera un BEP Maritime de Culture Marine (BEPMCM), qui prépare aux métiers de responsables d’exploitations conchylicoles ou d’employés qualifiés. Ce BEPMCM permet à son titulaire d’exploiter une concession marine.

2 – La formation continue:

Dès lors que vous pouvez justifier d’une expérience professionnelle (qui sera détaillée selon le diplôme choisi), il vous sera possible d’obtenir un diplôme en formation continue, ce qui facilitera probablement à beaucoup l’arrivée dans ce métier.

  • Si vous pouvez justifier d’une expérience d’au moins un an (quel que soit le domaine), et soit d’un projet d’installation en aquaculture, soit d’un projet de vous faire embaucher dans ce secteur, alors vous pourrez vous inscrite au Brevet Professionnel Agricole Maritime (BPAM). Ce brevet se déroule en 6 mois, avec une grande partie de la formation en entreprise, et permet aux candidats nés avant le 1er janvier 1980 de prétendre aux aides dédiées aux jeunes agriculteurs (dotation et prêts à taux bonifiés).
  • Le Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Aquacole Maritime (BPREAM) est  une formation de niveau IV qui permet d’obtenir la capacité professionnelle maritime, obligatoire pour les personnes nées après le 1er janvier 1986. Pour l’intégrer, il vous faudra justifier
    • Soit de deux années d’expérience professionnelle assorties d’une formation préalable de niveau 5
    • Soit de deux ans d’expérience dans l’ostréiculture
    • Soit de 5 ans d’expérience dans un autre domaine

Finalement, pour être en mesure de conduite un navire armés aux cultures marines de longueur inférieure à 24 mètres, vous devrez passer le « Certificat de patron de navire aux cultures marines – Niveau 2 » qui nécessitera une formation de 130 h (les premiers niveaux étant inclus dans le CPAM et dans le BEPM, si vous ne passez pas par ces formations, alors la formation totale pour obtenir ce certificat sera de 268 heures. Plus de détails ? C’est ici !).

Voici quelques exemples de centres de formations proposant ces diplômes :

Le lycée professionnel maritime et aquacole d’Etel (Bretagne)
Le lycée maritime et aquacole de la Rochelle (Poitou-Charentes)
Lycée de la mer et du littoral de Bourcefranc (Poitou-Charentes)
Lycée de la mer Paul Bousquet (Languedoc-Roussillon)
Lycée professionnel Olivier Guichard (Pays-de-la-Loire)
Lycée Professionnel maritime de Saint-Malo (Bretagne)
Lycée de la mer Gujan Mestras (Aquitaine)

  • Réfléchissez aux caractéristiques de ce métier ! 

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Si travailler en plein air est un aspect de ce métier qui en fait rêver beaucoup, il reste tout de même utile de préciser que cet aspect de la profession peut souvent s’avérer difficile ! Si vous décidez de vous installer dans le bassin méditerranéen, ces considérations vous concerneront probablement moins que pour un futur ostréiculteur Breton, mais les aléas climatiques touchent l’ensemble de notre pays… Vivre au rythme des marées, quel que soit le climat qui les accompagne, peut parfois être un véritable défi, prenez-en conscience !

De plus, un cycle complet d’élevage d’huîtres dure entre 1,5 (pour les plus rapides, ce qui est tout de même très rare) et 4,5 ans durant lequel patience et soins quasi-permanents seront obligatoire pour assurer le bon développement de votre élevage. Si vous souhaitez créer votre activité, il faudra impérativement prendre en compte cette période minimale de trois ans avant que vous puissiez commencer à retirer un profit de votre exploitation. De plus, comme dans beaucoup de métiers agricoles, il vous sera nécessaire de choisir assez rapidement entre une production de quantité, ou de qualité. Si la première vous assurera une certaine sécurité avec une production plus intensive, la seconde vous procurera de meilleurs revenus unitaires… Contre une quantité de travail supérieure.

Dans le même ordre d’idée, le métier d’ostréiculteur comporte de nombreuses facettes. Comme tout agriculteur, la partie liée à la vente de votre production est importante, et un côté entrepreneur peut s’avérer particulièrement utile. En France, près de deux tiers de la production d’huîtres sont destinées à la restauration et à la vente directe… Pour un tiers en grande surface. Si vous vous concentrez sur les deux premiers tiers, alors il vous faudra vous démarquer pour passer des contrats avec des restaurateurs, ou avoir un sens du contact développé si vous vendez sur les marchés ! Selon le Comité Régional Conchylicole Poitou-Charentes, l’ostréiculture est ainsi composée de quatre métiers : production, négoce, vente directe et expédition ; que vous pourrez choisir de faire vous-même ou de sous-traiter. L’ostréiculture est encore un milieu ou le réseau est particulièrement important, et ces activités de ventes directes sont essentielles pour développer ce dernier… Ne les négligez pas ! Si vous souhaitez découvrir ce métier, alors nous indique Philippe Favreliere (membre du collectif pêche et développement) « dans les semaines à venir, beaucoup d’entreprises ostréicoles recrutent du personnel avant et au moment de l’expédition des huîtres des fêtes de fin d’année… Cela représente plusieurs milliers d’emploi dans toute la France, et un bon moyen de comprendre ce métier encore très manuel ! Ce métier est très physique, et usant à la longue… Il faut également en avoir conscience avant de se lancer ! ».

  • Quand la reprise s’avère plus facile que la création …

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Crédit photo : Flickr (FanchTheSystem)

L’une des grandes spécificités de l’ostréiculture, et de la conchyliculture dans son ensemble, c’est qu’elle s’effectue dans le Domaine Public Maritime… Pour faire simple, être propriétaire du lieu dans lequel vous élèverez vos huître relève presque de l’impossible, et il vous faudra donc pour vous lancer obtenir une concession (votre demande devra être adressée soit au Comité Régional de la Conchyliculture) pour une durée qui va généralement de 30 à 35 ans. En principe donc, selon une étude publiée sur Archimer, le foncier conchylicole ne peut être ni approprié ni vendu, et les concessions conchylicoles sont soumises à un régime d’autorisation temporaire fortement encadré par l’administration (vous pouvez avoir une idée de cet encadrement en lisant le décret dédié à la reprise et la création d’élevage conchylicoles ici).

Cette démarche devient encore plus complexe dans certaines régions, car certaines sont considérées comme saturées (c’est le cas dans le département de la Seine-Maritime par exemple, où une mortalité importante de l’ensemble des coquillages est constatée ainsi que l’apparition de nombreux coquillages de petites tailles, phénomènes qui s’expliquent en partie par le nombre d’élevages trop important dans la région) alors que d’autres sont en gels de création (c’est le cas de certaines zones en côte d’Armor).

Trois chercheurs (l’article complet est disponible ici) ont d’ailleurs avancé un constat grave : la gestion du Domaine Public Maritime limite l’installation des jeunes, la pérennisation des exploitations existantes, et ne limite pas – voir soutient – une concentration excessive du foncier.

Globalement, il est donc plus facile de reprendre une activité ostréicole, avec une concession déjà accordée (en faisant attention tout de même au renouvellement du bail) que de se lancer de zéro dans cette activité. A  noter tout de même que racheter une concession représente un investissement de taille !

  • Renseignez-vous sur les différents types d’élevage !

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Crédit photo : Bertrand Rieger

Si les termes « élevage en surélevé », « élevage en suspension » ou encore « élevage au sol » ne sont pas clairs pour vous, voici quelques petites explications sur les trois principaux type d’élevage qui seront essentielles à connaitre avant de vous lancer… Car pourront déterminer votre région d’implantation (article très complet ici) !

  • L’élevage en surélevé (sur estran): En Bretagne, Normandie et sur la façade atlantique, ce type d’élevage est le plus fréquent et consiste à élever les huîtres sur une structure (table, cadre ou tréteau) installée sur le substrat. Les huîtres sont installées dans des poches qui sont régulièrement virées afin d’éviter la prolifération des algues.
  • L’élevage en suspension (en eau profonde) s’est développé en méditerranée, pour palier à l’absence des marées.  Installées dans des pearl-net ou dans des lanternes, qui sont suspendues à des tables d’élevage, les huîtres sont en immersion permanente. Cette pratique a également lieu en Bretagne, vers Quiberon. Les filières, autre technique d’élevage en suspension, permettent l’immersion totale des huîtres. Cette technique reprend le même principe que les tables d’élevage de la méditerranée, mais au lieu d’être accrochées à des tables d’élevage, les lanternes ou paniers sont suspendus à des câbles tendus entre deux bouées.
  • L’élevage au sol, sur le sol émergent ou en eau profonde. Dans le cas de l’élevage au sol émergent, les huîtres sont semées dans des zones découvrant à basse mer (sur l’estran). La récolte se fait ensuite par dragage. L’élevage au sol en eau profonde consiste à immerger totalement les huîtres dans des cages (l’élevage en cages). Ainsi, les huîtres ne sont pas à même le sol comme dans le cas de l’élevage au sol émergent. Ce mode d’élevage se raréfie en France.
  • N’hésitez pas à vous diversifier !

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L’activité ostréicole est particulièrement délicate, car elle dépend d’un grand nombre de facteurs dont vous ne pourrez être maître… Qualité de l’eau, crises (comme celle, encore non expliquée, de la surmortalité des huîtres en 2009), suspensions obligatoires d’activité (par exemple en raison de la présence d’algues nocives) ne sont que des exemples de ces derniers ! Sans même prendre en compte l’extrême saisonnalité de la consommation des huîtres – voir graphique ci dessus -, force est de constater que ce métier peut parfois s’avérer instable !

Ainsi, n’hésitez pas a profiter de l’intérêt croissant des touristes pour votre future activité, en à mettre à profit l’essor du pescatourisme ! Certains Ostréiculteurs n’hésitent pas à passer le brevet du capitaine 200 pour devenir skipper, et permettre aux plus curieux d’embarquer avec eux sur leur bateau. D’autres, plus traditionnels, organisent des dégustations et autres événements directement liés à leur métier.

Cette diversification vous permettra en effet de vous assurer un matelas de sécurité (le code fiscal limite à 30% du chiffre d’affaires et à 50.000 EUR l’activité complémentaire) en cas d’imprévus, comme ce fut le cas lors de l’apparition d’un mystérieux virus qui décima un nombre incalculable d’huîtres juvéniles il y a quelques années de cela… D’autres métiers, actuellement très recherchés, vous permettraient également de travailler en étroite relation avec le monde ostréicole, ou de vous diversifier… C’est par exemple le cas des écaillers, dont les savoirs-faire sont particulièrement appréciés dans les grandes villes !

Ariane Pépin