Chartres PNE Iliade_optProjection de l’Iliade. Crédits Architecture Studio

Le 28 janvier dernier, à Paris, Parcours France organisait un workshop réunissant 13 collectivités territoriales et les média. Thème central de l’événement : dans un contexte de contrainte budgétaire et de baisse des dotations de l’État aux collectivités, comment faire pour continuer à investir, à exercer pleinement un rôle politique en préparant l’avenir ? A l’occasion du workshop, les collectivités ont présenté à la presse leurs investissements dans de grands projets et des secteurs innovants (numérique, économie du savoir, industrie créative…), en détaillant les dynamiques partenariales et les modes de financement mis en place pour assurer la pérennité de ces projets. En ouverture de l’événement, Parcours France a présenté une étude inédite explicitant les chiffres, les tendances et les enjeux de l’investissement en régions.

Première étape de notre parcours au sein des territoires qui investissent : la ville et la communauté d’agglomération de Chartres. Avec une interview de Jean-Pierre Gorges, Maire de Chartres, Président de Chartres Métropole, Député d’Eure-et-Loir.

Comment se traduit, pour la Ville et la Métropole, la baisse des dotations de l’État aux collectivités ?

Jean-Pierre Gorges, Maire de Chartres, Président de Chartres Métropole, Député d’Eure-et-Loir. Crédit Ville de Chartres

Jean-Pierre Gorges : C’est quelque chose auquel nous nous étions déjà préparés. Nous avons la chance d’être élus depuis 2001 et nous l’avions annoncée dès 2002. Pour la Ville et l’Agglomération, cela représente une baisse de 3,5 millions d’euros cumulés à partir de 2017. La Ville de Chartres programme 150 millions d’euros d’investissement. 150 millions à financer dans un contexte particulier à Chartres, où nous baissons les taux de la fiscalité locale depuis 15 ans. Malgré tout, nous menons un politique d’investissements massifs, en engageant nos projets d’équipements et d’aménagement du territoire simultanément. Pour maintenir des finances saines, nous capitalisons depuis plusieurs années sur la diminution des charges de fonctionnement : nous explorons et exploitons les marges d’économie dans les charges de nos collectivités, notamment en mutualisant nos moyens, techniques et humains. Certains de nos projets d’aménagements et d’équipements ont en partie pour finalité d’accentuer encore ces baisses de charges de fonctionnement. Ainsi, nous nous sommes engagés dans une diminution de nos sites fonctionnels, municipaux ou communautaires, pour alléger les charges foncières et les dépenses inhérentes au fonctionnement des bâtiments, et nous travaillons en parallèle sur leur efficacité énergétique. Les investissements que nous consacrons à la réalisation de grands équipements, 38 millions d’euros, sont financés par la baisse de ces charges de fonctionnement. Derrière ça, c’est toute l’organisation du territoire qui est modelée selon un nouveau mode de gouvernance : à chaque fois que nous développons ou que nous nous approprions une compétence, nous créons une structure dédiée selon le véhicule juridique le plus adéquat (SEM, SPL, SEMOP…).

Quels sont les grands projets actuellement menés par la Ville et la Métropole de Chartres ?

PG_Parvis salle culturelle et sportive_optProjection de la salle de spectacles culturels et sportifs. Crédit : Groupe-6 architecture

J-P.G. : L’un de nos projets emblématiques, mutualisé Ville et Agglomération, est notre futur pôle administratif : un hôtel de ville et d’agglomération qui offrira un guichet unique pour l’ensemble des services aux habitants, au cœur du territoire.

D’autres programmes sont voués à restructurer le territoire. Ainsi le Pôle gare de Chartres programme le développement d’un nouveau quartier sur 32 ha de foncier autour de la gare de Chartres et d’une future plateforme multimodale. Nous y implantons aussi une salle de spectacles culturels et sportifs pour générer une activité supplémentaire en centre-ville : après votre match ou votre concert, vous restez en centre-ville pour un verre en terrasse ou un restaurant. Ces deux grands équipements prennent place dans ce futur quartier, conçu selon notre principe de mixité fonctionnelle : vous y trouverez ainsi des logements, des commerces, des activités tertiaires et notamment un centre de congrès et un hôtel. Tout cela est appelé à se concrétiser à très court terme

En parallèle, nous maintenons notre programme de rénovation et d’embellissement du cœur de ville sauvegardé : un centre piétonnier dont nous repavons les rues, dont nous réaménageons les places pour que les commerçants – et notamment les restaurateurs – y trouvent plus de place… tout ceci doit doper l’attractivité du centre-ville que nous convenons comme un grand centre patrimonial, culturel et commercial à ciel ouvert.

5 (1)_optL’Odyssée. Crédit : A Lombard

Parmi nos grands projets d’aménagement, la Ville mène aussi son programme du plateau nord-est de Chartres (PNE) : 283 ha en entrée de ville, qui portent notamment l’ancienne base aérienne BA122 de l’Armée. Nous l’avons rachetée à l’État il y a un peu plus de deux ans pour y installer, entre autres, un grand centre de commerces et de loisirs. Nous y menons actuellement des opérations de dépollution pyrotechnique, avant la phase incontournable d’archéologie préventive. A proximité, sur ce plateau nord-est, nous créons un nouveau parc des expositions et nous réaménageons notre aérodrome, avant, enfin, d’y installer une plaine sportive connectée à notre complexe aquatique-patinoire,  L’Odyssée, plus grand équipement de ce type en France … Le quartier a une position stratégique pour ces équipements, car proche de la sortie de l’autoroute vers Paris. Nous y développerons, en parallèle plus de 3000 logements, qui contribueront à rééquilibrer la démographie chartraine et nous permettront de poursuivre notre programme de requalification de certains quartiers. Nous entamons les phases opérationnelles, avec le concours d’investisseurs privés qui nous accompagnent sur l’ensemble de ce projet PNE.

Parlez-nous du grand projet de Smart City : comment ce projet est-il né ? Quelles sont ses caractéristiques ? Quels investissements ? Les étapes déjà franchies, et celles à venir ? Quel impact pour le territoire ?

J-P.G. : Nous avons voulu attendre que la technologie soit au point plutôt que d’investir dans quelque chose qui deviendrait obsolète deux ans plus tard. Aujourd’hui tout le monde est porteur d’un super terminal qualitatif, le smartphone. 4G, wifi, fibre optique… toutes ces technologies nous permettent d’avoir une vie connectée. Dans la même logique, une ville intelligente doit permettre à ceux qui l’organisent d’agir de manière plus efficace et économe, et aux habitants de mieux vivre avec ces services (gestion des ordures ménagères, des poubelles…). C’est cet esprit-là que l’on veut mettre en œuvre. Pour développer notre smart city, nous utilisons tous les vecteurs aujourd’hui disponibles : moyens de télécommunication et de systèmes d’information, les réseaux d’électricité, tout comme les compétences qui ont émergé dans les systèmes numériques. Nous  avons  d’ailleurs lancé en 2016 notre SEM Chartres métropole innovations numériques et notre Cité de l’Innovation (CM101 – Cité de l’Innovation) qui doivent nous permettre de garder un temps d’avance en tant que maître d’ouvrage de ces déploiements de systèmes intelligents.

Cette Cité de l’Innovation chartraine jouera le rôle d’une couveuse pour toutes startups. C’est une façon pour nous de nous assurer une vraie proximité avec ce domaine de recherche et développement, et être aux premières loges pour en adopter de nouveaux outils, de nouvelles applications. Par exemple, connaître la typologie et les indices de fréquentation d’une place nous permet de faire des choix en matière d’aménagements : la rendre piétonne, accroître sa sécurité avec un éclairage adéquat, des agents, etc. Une autre application, qui existe déjà, permet à un habitant qui remarque un problème dans une rue de le photographier, de le géo-localiser et de nous le signaler. On agit ensuite. Côté stationnement et circulation, nous avons installé un module test de panneau intelligent qui indique des places libres pour éviter aux automobilistes de tourner en rond. Une façon de contribuer à une baisse de la pollution… et des gaspillages d’énergie. Nous avons également installé des éclairages test qui augmentent, la nuit, la sécurité des passages piétons, tandis que des mâts d’éclairage deviennent intelligents en n’offrant une intensité lumineuse à 100 % que lorsque des mouvements sont détectés.

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Pour détecter des développeurs de solutions intelligentes, nous avons lancé en novembre 2015 un hackathon « ma ville plus agile ». Nous en avons tiré des idées originales, pour lesquelles il reste à développer des produits applicables et opérationnels sur le territoire… l’idée étant de rendre le territoire et ses infrastructures ou services toujours plus interactifs, toujours plus accessibles.

La ville historique représente 80 hectares. Elle s’est développée et, autour, le monde rural a gardé sa présence pluriséculaire. 3 millions de personnes entrent et sortent dans Chartres chaque année, autant de visiteurs qui ont besoin d’être accompagnés. Les tests pilotes que nous avons implantés verront leurs fonctionnements analysés avant d’être déployés sur le territoire, là où leur présence aura une réelle utilité. C’est ainsi que notre smart city devient une smart agglo.

Chartres, c’est une ville où l’on vit bien. L’hyper-centre, 80 hectares avec un patrimoine aussi bien conservé, il n’y en pas beaucoup en France. Il y a aussi les Boulevards de la culture avec leur cinéma, leur grande médiathèque, le musée des Beaux-Arts, le conservatoire de musique et de danse … et parallèlement Chartres garde sa position de grande ville sanctuaire, sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle.

Quels sont aujourd’hui les principaux facteurs d’attractivité de la ville et de la métropole de Chartres ? Ses axes de développement ?

J-P.G. : Il y a d’abord le tourisme. La cathédrale nous apporte 1,5 millions de touristes chaque année. Nous avons aussi l’opération Chartres en Lumières, qui permet d’attirer un public qui s’offre un court séjour en ville. Avant, les touristes restaient quelques heures, aujourd’hui, ils restent pour voir les 25 sites mis en lumières la nuit. L’opération a été lancée en 2003 et dure de mi-avril à mi-octobre.

Chartres en lumière (Spectaculaires, allumeurs d’image). Crédit : A Delaunay

Chartres héberge le siège de la Cosmetic Valley, pôle de compétitivité qui regroupe les grands noms de la cosmétique et de la parfumerie comme Guerlain, Paco Rabanne, Nina Ricci, Lolita Lempika…. Ces dernières années, ce pôle s’est encore renforcé, confortant l’attractivité économique de Chartres et de son bassin de vie.

Le tourisme d’affaire et économique est d’ailleurs un secteur que nous développons. Notre pôle administratif et ses espaces polyvalents pourront accueillir des séminaires et des incentives, et nous démarrons bientôt les travaux de notre futur parc des expositions que nous avons voulu de niveau national. Enfin, nous continuons à développer des infrastructures tertiaires pour l’installation d’entreprises, et pour l’animation du monde économique.

Quels sont les besoins du territoire en termes de compétences, de profils (salariés, entrepreneurs, professions libérales…) ?

J-P. G. : La cosmétique est un phare, certes, mais nous ne voulons pas capitaliser sur un seul « produit », de la même façon que Chartres n’a longtemps offert que sa cathédrale. Notre volonté de développement économique vise plus des petites et moyennes entreprises, jusqu’à 200 salariés par exemple, qui s’implanteront plus facilement et apporteront plus de retombées au bassin de vie chartrain.

Quels sont les dispositifs déployés par la Ville et la Métropole pour attirer et accompagner de nouvelles populations ?

J-P. G. : Nous venons de lancer, en janvier, notre marque de territoire, «C’est Chartres». Après avoir regardé ce qui avait été fait en Belgique, dans les pays scandinaves, à Lyon… nous avons décidé de focaliser notre marque sur le nom de Chartres, qui bénéficie déjà d’une grande notoriété. Nous en avons fait une sorte de copyright, un « copyChartres », sous-tendu par l’idée que « Chartres, c’est Chartres ». Graphiquement, le logo se traduit par un C très architectural, basé sur l’idée d’un plan masse, bleu bien sûr pour reprendre le bleu de Chartres, ce bleu cobalt qui a vieilli pendant huit siècles. Et puis il y a cette petite apostrophe, inspirée du Crédit agricole : une ponctuation intéressante qui signifie le mouvement, la volonté d’avance de notre territoire. L’utilisation de cette marque est très simple : chaque entreprise, chaque partenaire peut se l’approprier en suggérant qu’ « elle est Chartres », que ses projets et réalisations participent au développement du territoire.