Crédit photo : Flickr (Jonathan Chie)
Selon la dernière étude de la Direction générale des entreprises (DGE), la France est restée, en 2014, la première destination touristique mondiale, avec 83,8 millions de touristes en provenance d’autres pays (+0,2 % par rapport à 2013), devant les États-Unis (74,8 millions, en hausse de 6,8 %) et l’Espagne (65 millions, + 7,1 %). Tous les territoires ne sont cependant pas égaux devant cet afflux. Selon l’INSEE, trois régions concentrent la moitié des recettes touristiques : l’Île-de-France et son patrimoine culturel et architectural, Provence-Alpes-Côte d’Azur et son littoral, Auvergne-Rhône-Alpes et ses stations de ski. Mais beaucoup d’autres tirent leur épingle du jeu et affichent une forte croissance touristique, grâce à une politique innovante, à la création d’événements ou au développement de certains créneaux de marché. Parcours France vous emmène à la découverte de territoires et d’initiatives qui font décoller le tourisme local.
Le deuxième volet de notre dossier est consacré aux efforts déployés par les régions pour attirer et fidéliser les touristes chinois.
Selon Atout France, la France a accueilli 1,7 millions de touristes chinois en 2014, un chiffre en hausse de 130 % par rapport à 2009. L’Hexagone est aujourd’hui la dixième destination des touristes chinois à l’étranger : la première en Europe, et la deuxième hors Asie, après les États-Unis – source : Organisation mondiale du tourisme. Si la Chine a représenté, en 2014, 2 % du flux total de touristes étrangers arrivant en France, cette part est appelée à croître spectaculairement. La Chine est déjà le premier émetteur de touristes au monde, avec 114 millions de voyageurs à l’international en 2014. Selon Atout France, ce chiffre devrait presque doubler, à l’horizon 2020, pour atteindre 208 millions de touristes internationaux.
La France ne ménage pas ses efforts et ses investissements pour conserver sa position enviable de deuxième destination mondiale (hors Asie) préférée des chinois. Depuis le 27 janvier 2014, date anniversaire du cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, l’Hexagone délivre des visas en 48 h aux visiteurs individuels chinois. Et début 2016, Laurent Fabius – alors ministre des Affaires étrangères – a annoncé que le délai de délivrance des visas aux groupes de touristes chinois serait raccourci de 48 heures à 24 heures.
Parallèlement, Atout France – l’Agence nationale de développement touristique – multiplie les campagnes de promotion et de sensibilisation. En janvier dernier, par exemple, l’agence a lancé l’opération «Palaces de France» : les directeurs généraux de 14 hôtels ayant reçu la distinction Palace se sont rendus à Pékin et à Shanghai pour promouvoir leurs établissements auprès de journalistes, agents de voyages et influenceurs chinois. «Nous souhaitons valoriser auprès des clientèles des pays émergents tout le savoir-faire de la destination en matière d’accueil et de luxe. Les Palaces sont une spécificité typiquement française qui nous permet de les accueillir dans les meilleures conditions », explique Christian Mantei, directeur général d’Atout France. Autres initiatives, plus classiques : la publication d’un guide pratique à l’usage des professionnels, intitulé : «Les touristes chinois : comment bien les accueillir ?». Et la mise en ligne du premier MOOC (Massive Open Online Course, ou programme de formation en ligne) consacré à l’accueil des touristes internationaux, et plus particulièrement chinois.
Au delà des démarches entreprises au niveau national, les territoires se mobilisent pour valoriser leurs atouts et capter une partie de la manne touristique chinoise. Parcours France a sélectionné 4 territoires particulièrement innovants ou dynamiques en la matière.
PACA met le paquet
Crédit photo : Flickr (Patrick Gaudin)
En Provence Alpes Côte d’Azur, le tourisme chinois est passé de 118 000 à 176 000 nuitées entre 2014 et 2015, soit une progression de 49 %. C’est le résultat d’une cour assidue pratiquée par les pouvoirs régionaux. «Chaque année, nous envoyons en Chine une vingtaine de professionnels du tourisme de la région, pour vendre notre destination auprès d’agences de voyage et de la presse», indique Bruno James, directeur général du Comité Régional du Tourisme (CRT) PACA. En sens inverse, la région a invité, en janvier 2016, 70 tours-opérateurs chinois à venir découvrir la Provence. Au menu : dîner-croisière sur le Rhône, traversée du pont d’Avignon, voyage dans le Lubéron, escale gourmande à la Confiserie du Roy René, et pour finir une découverte panoramique de Marseille…Avant un workshop au Palais du Pharo, avec 120 professionnels du tourisme régional venus présenter leur offre.
Ces derniers apprennent à soigner l’accueil des touristes chinois, jusque dans les moindres détails. L’office du tourisme de Marseille a ainsi recruté deux personnes dédiées à ce marché, et a entrepris la traduction de toute la documentation touristique. Une démarche que l’office voudrait généraliser à l’ensemble des structures d’accueil et à la plupart des commerces du territoire. Un enjeu d’autant plus important que le touriste chinois dépense, en moyenne, 185 euros par jour, contre 53 euros pour un français. «Les voyageurs chinois sont des consommateurs. Ils sont friands des marques françaises, qu’ils paient plus cher en Chine, mais aussi de produits typiques et made in France. Les tour opérateurs ont pu découvrir le Calisson à Aix-en-Provence : c’est tout à fait le genre de produit qui pourrait attirer les clients», souligne Pierre Shi, gérant d’ID Travel Pro.
Pour amplifier le flux de consommateurs chinois, la région envisage aujourd’hui des liaisons aériennes directe avec l’empire du milieu. «Nous espérons que d’ici 3 à 5 ans nous pourrons orienter une partie des flux en direct, avec des vols sans escale, dans un premier temps grâce à des vols charters, puis dans second temps par le biais d’une ligne régulière», précise Julien Boullay, directeur marketing de l’aéroport Marseille Provence.
Il est vrai qu’avec ses champs de lavande – un produit très apprécié des consommateurs chinois – son patrimoine culturel, sa programmation de festivals et d’événements, ses sites naturels d’exception et ses kilomètres de littoral, la région a tout pour devenir un hit en Chine. «Les touristes chinois sont très férus d’histoire et de patrimoine. Ils viennent donc aussi en PACA pour découvrir le Château d’If du Comte Monte Cristo -très populaire dans leur pays- ou encore le Palais des Papes à Avignon», conclut Bruno James.
Le Languedoc Roussillon (1) convainc et séduit à coups d’«eductour »
Crédit photo : Flickr (bigbirdz)
En 2014, le Languedoc-Roussillon (1) a accueilli 30 000 touristes chinois, en augmentation de 15% sur un an. Le territoire s’est hissé dans le Top 5 des destinations françaises – hors Île-de-France – programmées par les tour-opérateurs chinois, derrière la Côte d’Azur, les châteaux de la Loire, Chamonix et Bordeaux.
En 2014, les tour-opérateurs chinois ont ainsi programmé 40 circuits en Languedoc-Roussillon, contre 30 en 2013. C’est le fruit d’un travail de fond réalisé par Sud de France Développement, à partir de la Maison de la Région, installée depuis 2007 à Shanghai. « Pour les Chinois, notre région est un paradis. C’est une région ensoleillée, avec une grande variété de cultures, de reliefs, un pays d’art et d’histoire. Les touristes qui viennent dans la région ne sont pas des nouveaux riches, qui recherchent le bling-bling. Ils veulent des circuits d’origine, ils commencent à adopter la même façon de voyager que les Européens. Nous travaillons avec des tour-opérateurs de qualité et une clientèle plutôt haut de gamme. Nous faisons beaucoup de démarchage auprès des professionnels et de la presse, nous leur faisons connaître la destination et nous faisons le lien avec les agences en Languedoc-Roussillon», explique Baptiste Li, responsable de la promotion au sein de la Maison de la Région à Shanghai.
Les touristes qui viennent dans la région ne sont pas des nouveaux riches, qui recherchent le bling-bling. Ils veulent des circuits d’origine, ils commencent à adopter la même façon de voyager que les Européens. Nous travaillons avec des tour-opérateurs de qualité et une clientèle plutôt haut de gamme» – Baptiste Li, responsable de la promotion au sein de la Maison de la Région Languedoc-Roussillon à Shanghai.
La stratégie de séduction régionale se structure ainsi autour d’«eductours» : des séjours complets au cours desquels les tour opérateurs chinois découvrent in vivo le circuit qu’ils sont susceptibles de proposer à leurs clients. Du 8 au 16 novembre 2014, par exemple, des délégations de SCITS et LVmama, deux TO chinois, ont été conviées à un eductour enchaînant pas moins d’une trentaine de destinations : visites de Saint Guilhem le Désert et d’Anduze, visite de la grotte de Trabuc, hébergement à l’hôtel Imperator**** de Nîmes, balade sur le catamaran «Le Providence» au Grau du Roi, découverte d’Aigues Mortes, visite et dégustation à Viavino, déjeuner au Pont du Gard… De quoi repartir avec des étoiles plein les yeux, et l’irrépressible envie de prescrire la destination à ses compatriotes…
La Bretagne invente le selfie-tourisme
Crédit photo : Flickr (Jean-François Gornet)
Encore peu intégrée dans les circuits des tour opérateurs chinois, la Bretagne, quatrième région française pour le tourisme, compte néanmoins les attirer sur ses terres, et crée pour cela des campagnes de promotion innovantes et virales. La région mise notamment sur le millier d’étudiants chinois présents sur place, en s’efforçant de les transformer en autant d’ambassadeurs. En mai et juin 2016, l’association France Chine International, basée à Rennes, à initié un concours de selfies, incitant les étudiants et expatriés chinois à poster sur les réseaux sociaux des photos d’eux-même, avec en arrière-plan un monument ou un paysage breton. «Les Chinois sont connectés en permanence sur des réseaux sociaux comme WeChat ou Weibo, où ils publient toutes leurs photos. C’est pour ça que nous misons sur les selfies », explique Vanessa Vanderhaeghen, responsable de France Chine International.
«Les Chinois sont connectés en permanence sur des réseaux sociaux comme WeChat ou Weibo, où ils publient toutes leurs photos. C’est pour ça que nous misons sur les selfies » – Vanessa Vanderhaeghen, responsable de France Chine International.
En investissant dans la viralité, la Bretagne espère remporter la mise «On sait que ça marche de faire parler des ambassadeurs. On peut casser les idées reçues et se faire connaître. D’autant qu’un marché comme la Chine, c’est très difficile à investir tellement le pays est grand. Avec ce genre d’opération, on met un pied dans la communauté», souligne Déborah Le Goff, responsable du pôle communication et promotion du comité régional Tourisme Bretagne. Il est vrai qu’avec son histoire, ses côtes et ses îles, ses légendes et ses églises, le tout parfumé au vent du large, la Bretagne ne manque pas d’atouts pour intriguer et attirer le touriste chinois. «On sait qu’ils s’intéressent à la Bretagne car il y a de beaux paysages, un patrimoine préservé et une histoire riche. Les batailles de corsaires au large de Saint-Malo ou la France des rois et des châteaux, c’est quelque chose qui passionne», résume Vanessa Vanderhaeghen
La Bourgogne (2) mise sur l’oenotourisme
Crédit photo : Flickr (Charley)
En 2015, près de 35 000 chinois ont séjourné dans les hôtels bourguignons, contre 5 500 en 2010. Rien que sur un an, entre 2014 et 2015, la fréquentation a progressé de 115 % . Dans la région, les Chinois représentent, et de loin, le premier contingent de touristes étrangers, devant les Allemands (19 800), les Anglais (17 000) et les Belges (15 000).
Il est vrai que la Bourgogne n’a pas ménagé ses efforts pour valoriser son imposant patrimoine, ses vignobles et son art de vivre sur le marché asiatique. Et profiter au mieux de sa situation géographique, sur un itinéraire emprunté par de nombreux touristes chinois, qui débarquent à Paris et migrent ensuite vers la Provence.
Le tout étant de les retenir, au moins quelques jours, dans la région. Pour ce faire, la Bourgogne joue notamment la carte de l’oenotourisme et de la gastronomie. Dans le cadre de la campagne «Oenotourisme et Patrimoine», réalisée avec Atout France à Pékin, Bourgogne Tourisme a ainsi accueilli 5 journalistes chinoises, pour une visite de Dijon et une exploration à vélo de la Voie des Vignes, avant une dégustation des vins du Château de Meursault. Répété régulièrement, ce type d’opération fait grandir la réputation bourguignonne en Chine, où la passion du vin bat son plein. En 2015, la Chine a importé 554 millions de litres de vin, en augmentation de plus de 45 % par rapport à 2014. Quel meilleur ambassadeur, pour la région, qu’une bonne bouteille de Bourgogne ?
(1) La Région a fusionné avec Midi-Pyrénées en 2016, et pris le nom d’Occitanie
(2) La Région a fusionné avec la Franche-Comté en 2016